L’obligation scolaire de la gymnastique (puis de l’éducation physique) est antérieure aux lois républicaines sur l’École gratuite, obligatoire et laïque. Cette précocité n’est-elle pas, à elle seule, la garantie de sa légitimité ? Malgré cet avantage, l’éducation physique a toujours eu à subir les assauts de ceux qui la considèrent inutile, voire dangereuse, ou de ceux qui ne voient en elle qu’une nécessaire récréation. Entre l’exclusion et la dérision, la seule issue est de conquérir l’École, cette citadelle prestigieuse de la IIIe République. C’est à cette tâche que vont se consacrer les précurseurs et les pionniers de l’éducation physique, ainsi que les courants d’innovation pédagogique contemporains. Tous leurs efforts convergeront vers un seul but : montrer que l’éducation physique peut respecter les règles et les usages scolaires. L’École la condamne donc à faire la preuve de son sérieux. C’est en s’alignant sur les modèles pédagogiques et didactiques des disciplines intellectuelles, et en se parant des signes distinctifs des apprentissages scolaires, que l’éducation physique pourra se faire reconnaître comme une discipline et une matière d’enseignement authentiques. C’est ce mimétisme qui, pour nombre de défenseurs de l’éducation physique, est garant de sa spécificité et de sa légitimité scolaires. L’éducation physique sera scolaire ou ne sera pas. Mais l’École d’aujourd’hui a perdu de son prestige, elle n’a plus, comme par le passé, le monopole de l’éducation. Que vaut alors cet effort centenaire pour la conquérir s’il doit exprimer, sinon un échec, au moins des résultats superfétatoires. Ne doit-on pas plutôt s’interroger aujourd’hui sur la nécessaire redistribution des tâches et des compétences éducatives que traduisent les profonds bouleversements de la pratique sociale des activités physiques et sportives ? Cette approche différente de l’histoire de l’éducation physique met à jour les significations des discours et des pratiques qui justifient ou cautionnent la présence de l’éducation physique à l’École. Chaque auteur contribue à fournir des éléments d’analyse et de réflexion à cette question essentielle : l’éducation physique n’existe-t-elle que parce qu’il y a des professeurs d’éducation physique ? Le débat est ouvert...