Histoire du Consulat et de l'Empire: Faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française (Complete) - Adolphe Thiers

Histoire du Consulat et de l'Empire: Faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française (Complete)

Par Adolphe Thiers

  • Date de sortie: 2022-07-02
  • Genre: Histoire de l’Europe

Description

La guerre extérieure avait été un peu moins malheureuse vers la fin de la dernière campagne. La victoire du général Masséna devant Zurich, celle du général Brune au Texel, avaient repoussé l'ennemi assez loin de nos frontières; mais nos soldats se trouvaient dans un dénûment absolu. 
Misère des armées.
Ils n'étaient ni payés, ni habillés, ni nourris. L'armée qui avait vaincu en Hollande les Anglo-Russes, ayant l'avantage d'être entretenue par la République batave, était moins malheureuse que les autres; mais l'armée du Rhin, qui avait perdu la bataille de Stokach, celle d'Helvétie, qui avait gagné la bataille de Zurich, étaient plongées dans la misère. L'armée du Rhin, placée sur le sol français, y exerçait sans mesure, et sans fruit, le système des réquisitions; celle d'Helvétie vivait au moyen de contributions de guerre, frappées sur Bâle, Zurich, Berne, contributions mal perçues, mal employées, et qui, très-insuffisantes pour nourrir nos soldats, révoltaient l'indépendance et l'esprit d'économie du peuple suisse. L'armée d'Italie, depuis les désastres de Novi et de la Trebbia, repliée sur l'Apennin, dans un pays stérile, ravagé par la guerre, était en proie aux maladies et à la disette la plus affreuse. Ces soldats, qui avaient soutenu les plus grands revers sans en être ébranlés, et avaient montré, dans la mauvaise fortune, une constance à toute épreuve, couverts de haillons, consumés par la fièvre et la faim, demandaient l'aumône sur les routes de l'Apennin, réduits à dévorer les fruits peu nourrissants que portent les terres arides de ces contrées. Beaucoup d'entre eux désertaient, ou allaient grossir les bandes de brigands, qui, dans le midi comme dans l'ouest de la France, infestaient les grandes routes. On avait vu des corps entiers quitter leurs postes sans ordre des généraux, et aller en occuper d'autres, où ils espéraient vivre moins misérablement. La mer, gardée par les Anglais, ne leur montrait en tous sens qu'un pavillon ennemi, et ne leur apportait jamais aucune ressource. Il y avait des divisions qui étaient privées de solde depuis dix-huit mois. On levait quelques vivres au moyen des réquisitions; mais, quant aux fusils, aux canons, aux munitions de guerre, qu'on ne se procure pas avec des réquisitions, nos soldats en manquaient totalement. Les chevaux, déjà insuffisants pour les services de l'artillerie et de la cavalerie, avaient été presque tous détruits par les maladies et par la faim.
Tels étaient les résultats d'une administration faible, désordonnée, et surtout d'une affreuse gêne financière. Les armées de la République avaient vécu des assignats et de la victoire, pendant plusieurs années. Les assignats n'étaient plus; et la victoire, après nous avoir tout à coup abandonnés, venait à peine de se montrer à nos légions, mais sans leur ouvrir encore les plaines abondantes de l'Allemagne et de l'Italie. Il est nécessaire de donner ici une idée de notre situation financière, cause principale des maux de nos armées. Cette situation dépassait tout ce qu'on avait vu aux époques antérieures. L'Assemblée Constituante avait commis deux fautes, auxquelles on avait paré, jusqu'à un certain point, au moyen des assignats, mais auxquelles il ne restait plus de palliatif, depuis la chute de ce papier-monnaie. Ces deux fautes étaient, premièrement, la suppression des contributions indirectes, assises sur les boissons, sur le sel, sur les consommations en général; secondement, le soin laissé aux administrations municipales de faire elles-mêmes les rôles de la contribution foncière, et des autres contributions directes.

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