Après deux mois et demi, je me sentais vétéran des bus locaux, médaillé du train de nuit, anobli par la bouffe de rue, vainqueur des épices et grand timonier du chaï. Au bout d'un an autour du monde, 365 jours ici et là, 90 000 kilomètres, des tonnes de poussières et des colliers de sourires. 8 carnets de route, 17 stylos épuisés, 3 paires de godasses vidées, et quelques jolies images dans tout ça, j’ai le sentiment d’être diplômé d'un Master Pro de la vie, et de tout un tas d'autres titres honorifiques. Dont Grand Chamberlain de l’Echappée Belle.
Depuis que je suis rentré, je sens bien que je fais parfois office de doux illuminé ; n’étant pas pressé de gagner des sous ou de payer un loyer, je suis le rêveur chevelu à qui il faut laisser le temps d’atterrir. C’est qu’il y a une crise ici, bordel de merde. Il faut être aveugle ou sourd pour ne pas voir et entendre ce que les médias ressassent. Ou bien il suffit de faire l’idiot et se demander comment reprendre à zéro. Alors après mon diplôme auto-décerné, j'ai écrit ce mémoire. Histoire de valider mes acquis.
Ce travail m'a permis de réaliser doucement le chemin parcouru, mais aussi et surtout, de voir que mon regard s’est ouvert progressivement, et de me rappeler ainsi que dans quelques mois, je verrai le monde encore différemment. Rien n’est pérenne ; c’est peut-être pour ça aussi qu’on passe nos vies à se consolider les routines, histoires que nos châteaux de sables ne s’en aillent pas avec la marée.
Ce mémoire donc, c’est un peu l’histoire d’un corsaire, qui raconte son périple intérieur, au creux des paysages de questions et voguant de rencontre en rencontre. Il explique qu’il voulait simplement partir pour vérifier que la Terre était bien ronde, et puis en revenir. Mais voilà, il voit bien qu’aujourd’hui qu’il n’en reviendra pas. Pas dans le même état en tout cas.