Ernest Renan : la science, la métaphysique, la religion et la question de leur avenir - Jacques Bouveresse

Ernest Renan : la science, la métaphysique, la religion et la question de leur avenir

Par Jacques Bouveresse

  • Date de sortie: 2015-11-04
  • Genre: Philosophie

Description

On croit souvent que, pour Renan, l’avenir appartiendrait à la seule science ; la religion n’en aurait, au contraire, à peu près aucun. Mais même un lecteur simplement superficiel ne tarde cependant pas à se rendre compte que sa position est bien différente. La préface du Prêtre de Nemi (un drame philosophique qu’il a publié en 1885) commence de la façon suivante : « J’ai voulu, dans cet ouvrage, développer une pensée analogue à celle du messianisme hébreu, c’est-à-dire la foi au triomphe définitif du progrès religieux et moral, nonobstant les victoires répétées de la sottise et du mal. J’ai essayé de montrer la bonne cause gagnant du terrain malgré les amertumes, les disgrâces, les défaillances même de ses apôtres et de ses martyrs. » Ce n’est pas du progrès scientifique, mais du progrès religieux et moral qu’il est question ici. Contrairement à ce que l’on croit souvent, il n’y a pas pour Renan que la science qui soit capable de progresser, la religion l’est aussi. C’est lui-même qui parle à ce propos de « religion progressive » ; et ce dont il rêve n’est sûrement pas de voir la religion disparaître une fois pour toutes, mais plutôt de la voir se transformer graduellement pour prendre, au moins chez les gens qui sont suffisamment éclairés pour être capables d’accepter cette évolution, une forme plus épurée, plus intériorisée et plus universelle. De Dieu, Renan dit qu’il peut être considéré sous deux aspects : (1) celui de l’existence totale en train de se faire et qui sera complète lorsque le monde sera gouverné entièrement par un seul pouvoir, à savoir celui de la science et de l’esprit ; (2) celui de l’absolu. Il est donc tout à fait logique, de sa part d’identifier pour finir, à peu de chose près, la croyance en Dieu et la dévotion envers lui avec le culte du seul objet auxquelles elles peuvent, selon lui, légitimement se rapporter, à savoir l’idéal lui-même. De ce point de vue, la démocratie, à laquelle il reproche ce que l’on pourrait appeler son caractère « matérialiste » et son incapacité de reconnaître la primauté du spirituel et de l’idéal, et la nécessité pour la société de consacrer à la recherche de celui-ci une partie essentielle de ses ressources et de ses forces, peut être considérée comme irréligieuse.

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