Il y a cinquante ans, au printemps de 1944, un gouvernement rebelle et une assemblée de circonstance décidaient, à Alger, d’accorder le droit de vote aux femmes. Un an plus tard, dans une France pas encore totalement libérée, les femmes votaient pour la première fois. Cela faisait donc un siècle – depuis 1848 – que l’on parlait à tort de « suffrage universel » : la moitié des citoyens français en étaient exclus. Et, si l’on songe que tous les grands pays, des États-Unis à l’Union soviétique, de la Grande-Bretagne à l’Allemagne, de l’Australie à l’Espagne, avaient reconnu de longue date les droits de la femme, on comprend pourquoi le pays des droits de l’homme ne s’est jamais vanté de cette décision tardive. Pourquoi ce retard ? Une femme fut guillotinée sous la Révolution pour avoir revendiqué l’égalité. D’autres, tout au long du XIXe siècle, assumèrent la prison, l’exil, l’injure, le mépris pour la même cause. Tour à tour, l’Église par peur du libéralisme, les radicaux par crainte de l’influence des prêtres, les sénateurs par conservatisme, le Front populaire par lâcheté, s’opposèrent à toutes les tentatives. Histoire riche en péripéties, en drames, en scandales, en actes héroïques, en propos farfelus. Il fallut attendre le drame de 1940 pour que, successivement, Pétain, la Résistance et, enfin, de Gaulle, envisagent de sauter le pas. Avec, pour tous, la même lancinante question : le vote des femmes allait-il bouleverser le paysage politique français ?