Cinq-Mars, ou, Une conjuration sous Louis XIII (Complete) - Alfred de Vigny

Cinq-Mars, ou, Une conjuration sous Louis XIII (Complete)

Par Alfred de Vigny

  • Date de sortie: 2020-04-03
  • Genre: Fiction historique

Description

L’étude du destin général des sociétés n’est pas moins nécessaire aujourd’hui dans les écrits que l’analyse du cœur humain. Nous sommes dans un temps où l’on veut tout connaître et où l’on cherche la source de tous les fleuves. La France surtout aime à la fois l’Histoire et le Drame, parce que l’une retrace les vastes destinées de l’HUMANITÉ, et l’autre le sort particulier de l’HOMME. C’est là toute la vie. Or, ce n’est qu’à la Religion, à la Philosophie, à la Poésie pure, qu’il appartient d’aller plus loin que la vie, au-delà des temps, jusqu’à l’éternité.
Dans ces dernières années (et c’est peut-être une suite de nos mouvements politiques), l’Art s’est empreint d’histoire plus fortement que jamais. Nous avons tous les yeux attachés sur nos Chroniques, comme si, parvenus à la virilité en marchant vers de plus grandes choses, nous nous arrêtions un moment pour nous rendre compte de notre jeunesse et de ses erreurs. Il a donc fallu doubler l’INTÉRÊT en y ajoutant le SOUVENIR.
Comme la France allait plus loin que les autres nations dans cet amour des faits, et que j’avais choisi une époque récente et connue, je crus aussi ne pas devoir imiter les étrangers, qui, dans leurs tableaux, montrent à peine à l’horizon les hommes dominants de leur histoire; je plaçai les nôtres sur le devant de la scène, je les fis principaux acteurs de cette tragédie dans laquelle j’avais dessein de peindre les trois sortes d’ambition qui nous peuvent remuer, et, à côté d’elles, la beauté du sacrifice de soi-même à une généreuse pensée. Un traité sur la chute de la féodalité, sur la position extérieure et intérieure de la France au XVIIe siècle, sur la question des alliances avec les armes étrangères, sur la justice aux mains des parlements ou des commissions secrètes, et sur les accusations de sorcellerie, n’eût pas été lu peut-être; le roman le fut.
Je n’ai point dessein de défendre ce dernier système de composition plus historique, convaincu que le germe de la grandeur d’une œuvre est dans l’ensemble des idées et des sentiments d’un homme, et non pas dans le genre qui leur sert de forme. Le choix de telle époque nécessitera cette MANIÈRE, telle autre la devra repousser; ce sont là des secrets du travail de la pensée qu’il n’importe point de faire connaître. A quoi bon qu’une théorie nous apprenne pourquoi nous sommes charmés? Nous entendons les sons de la harpe; mais sa forme élégante nous cache les ressorts de fer. Cependant, puisqu’il m’est prouvé que ce livre a en lui quelque vitalité, je ne puis m’empêcher de jeter ici ces réflexions sur la liberté que doit avoir l’imagination d’enlacer dans ses nœuds formateurs toutes les figures principales d’un siècle, et, pour donner plus d’ensemble à leurs actions, de faire céder parfois la réalité des faits à l’IDÉE que chacun d’eux doit représenter aux yeux de la postérité; enfin sur la différence que je vois entre la VÉRITÉ de l’Art et le VRAI du Fait.

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