De toutes parts, des questions fusent : Où suis-je ? Combien sommes-nous ? Vous plaisantez ? Qui êtes-vous pour me parler de la sorte ? Comment cela va-t-il finir ? Mais pourquoi pleurez-vous ?
Dans le brouhaha, on distingue quelques réponses, comme venues de nulle part. Certaines sont violentes, péremptoires, destinées à faire taire l'adversaire, d'autres lamentables ou encore de pure convention. Mais très vite, on prend la mesure des décalages : les réponses sont souvent étrangères aux questions qui, à leur tour, ne semblent en attente d'aucune réponse. Les malentendus abondent, qui prennent force de loi. Cette cacophonie pourrait être joyeuse : elle n'est que risible. Toutes ces voix impuissantes à se parler, à se rassembler, on se fatigue à les distinguer, à tenter de démêler en elles le vrai du faux. Alors il faut lutter avec le langage, ruser avec les lieux communs, les idées emprisonnées dans les expressions toutes faites. Avec ou contre ? Finalement, nous jouons moins avec les mots qu'ils ne jouent avec nous.
Au milieu de ce paysage de voix et de discours, au centre de la société invisible qu'ils finissent par former, une montagne s'élève soudain. Si elle n'était d'opérette et de carton-pâte, elle serait symbolique. Sur l'une des pentes, un alpiniste d'occasion, tel un ludion silencieux, monte, et surtout descend. Sur sa malheureuse personne, beaucoup de paroles vont converger.
Quant à l'auteur, il revendique "l'entêtement" du "guetteur" dont parlait Roland Barthes. Un guetteur placé "à la croisée de tous les discours, en position triviale".