L’imaginaire de la prédation est un imaginaire de la limite transgressée entre le chasseur et la proie, l’humain et l’animal, dans des scénarios qui brouillent les frontières entre les uns et les autres. Figure classique de l’objet du désir, et de son improbable maîtrise, la proie semble y apparaître en un point où le regard parvient à divers degrés de fascination, de la visualité exacerbée par l’attente ou le guet jusqu’au moment fatal où la proie fait image. C’est dans la perspective des approches de l’imaginaire que ce dossier propose de réfléchir au paradigme de la prédation en littérature, entre imagination et aliénation du regard, absence et surreprésentation de l’image, voire ses métamorphoses à l’ombre du mimétisme. Au sein de ce paradigme, toutes les polarités, toutes les rivalités peuvent indéfiniment se retourner. Ce qui voit peut être vu, ce qui chasse peut être chassé, ce qui dévore peut être dévoré. C’est pourquoi toute histoire de chasse, tout récit de prédation, témoigne de la puissance spéculaire de l’imaginaire, une puissance de réversibilité qui ne cesse d’ouvrir le regard à ce qui, inlassablement, lui échappe dans ce qu’il poursuit.