En 1725, Montesquieu fit paraître le Temple de Gnide, production ingénieuse, mais froide et sans intérêt, appelée spirituellement par Mme du Deffand, l'Apocalypse de la galanterie. Cettte oeuvre, aussi bien que les Lettres persanes, étaient, à bien des égards, des oeuvres futiles et d'un libertinage tout à fait « régence »; l'ouvrage que Montesquieu fit paraître ensuite, après neuf années de silence, est de telle nature qu'on le propose aujourd'hui à la jeunesse comme un livre éminemment classique. C'est en historien, en jurisconsulte et en philosophe qu'il se mit à étudier l'histoire de Rome, à exposer les causes de sa grandeur et de sa décadence. Sans vouloir conter à nouveau les faits qui sont connus de tous, il entreprit de raisonner, de montrer comment une poignée de bandits parvint à fonder l'empire romain, comment ensuite ce colosse tomba de lui-même en pourriture. Si les Romains sont devenus les maîtres du monde, c'est, dit Montesquieu, parce qu'ils ont aimé la liberté, le travail et la patrie; parce qu'ils ont eu, en tant que guerriers, une discipline forte et des principes arrêtés, ne désespérant jamais de la République, ne traitant jamais avec un ennemi victorieux, divisant habilement leurs ennemis et n'exaspérant pas les peuples vaincus. Telles sont les causes de la grandeur romaine; l'empire romain a péri parce que sa trop vaste étendue a amené des guerres civiles, détruit l'esprit de liberté, donné le droit de cité à tout l'univers; parce que le luxe a amené la corruption et la tyrannie, parce que les empereurs ont été souvent des monstres, et enfin parce que le fondation de Constantinople a fait deux empires au lieu d'un.