Lettres persanes (Edition Intégrale ''Lettres 1 à 161'' - Version Entièrement Illustrée) - Montesquieu Descriptif : Les Lettres persanes est un roman épistolaire de Montesquieu rassemblant la correspondance fictive échangée entre deux voyageurs persans, Usbek et Rica, et leurs amis respectifs restés en Perse. Leur séjour à l’étranger dure neuf ans. Au 18e siècle, l’Orient et le goût des voyages sont à la mode. Cependant, le roman fut publié au printemps 1721 à Amsterdam, et Montesquieu, par prudence, n’avoua pas qu’il en était l’auteur. Selon lui, le recueil était anonyme, et il se présentait comme simple traducteur, ce qui lui permettait de critiquer la société française sans risquer la censure. En 1711, Usbek, un philosophe persan, entreprend une correspondance avec des amis rencontrés dans les pays traversés et des mollahs, il dépeint d’un œil faussement naïf – celui qu’une civilisation lointaine pourrait porter sur l’Occident, réduit dès lors lui-même à quelques contrées exotiques – les mœurs, les conditions et la vie de la société française au 18e siècle, la politique en particulier, se terminant par une satire mordante du système de Law. Extrait : Le monarque qui a si longtemps régné n’est plus. Il a bien fait parler des gens pendant sa vie ; tout le monde s’est tu à sa mort. Ferme et courageux dans ce dernier moment, il a paru ne céder qu’au destin. Ainsi mourut le grand Chah Abas, après avoir rempli toute la terre de son nom. Ne crois pas que ce grand événement n’ait fait faire ici que des réflexions morales. Chacun a pensé à ses affaires, et à prendre ses avantages dans ce changement. Le roi, arrière-petit-fils du monarque défunt, n’ayant que cinq ans, un prince, son oncle, a été déclaré régent du royaume. Le feu roi avait fait un testament qui bornait l’autorité du régent. Ce prince habile a été au Parlement, et, y exposant tous les droits de sa naissance, il a fait casser la disposition du monarque, qui, voulant se survivre à lui-même, semblait avoir prétendu régner encore après sa mort. Les parlements ressemblent à ces ruines que l’on foule aux pieds, mais qui rappellent toujours l’idée de quelque temple fameux par l’ancienne religion des peuples. Ils ne se mêlent guère plus que de rendre la justice, et leur autorité est toujours languissante, à moins que quelque conjoncture imprévue ne vienne lui rendre la force et la vie. Ces grands corps ont suivi le destin des choses humaines : ils ont cédé au temps, qui détruit tout, à la corruption des mœurs, qui a tout affaibli, à l’autorité suprême, qui a tout abattu. Mais le régent, qui a voulu se rendre agréable au peuple, a paru d’abord respecter cette image de la liberté publique, et, comme s’il avait pensé à relever de terre le temple et l’idole, il a voulu qu’on les regardât comme l’appui de la monarchie et le fondement de toute autorité légitime.