De quelle victoire parle-t-on à propos de l’extrême droite ? Attendue, crainte, inéluctable : les adjectifs se bousculent pour la qualifier. Il se pourrait que cette victoire soit d’abord étrange. Il est étrange, par exemple, de voir la xénophobie érigée en rempart de la république ou d’entendre que son projet économique s’apparente à celui de la gauche. Étrange aussi de constater son soutien à la constitutionnalisation de l’IVG et son ralliement au libéralisme culturel.
En France comme ailleurs, cette étrangeté constitue un élément de la victoire. Celle-ci résulte d’un brouillage des coordonnées politiques de la démocratie contemporaine. L’affaiblissement du clivage entre la gauche et la droite, l’abandon d’une mémoire commune, l’affaissement du débat public ont contribué à rendre méconnaissable un courant qui, pour l’emporter, a besoin d’être méconnu. Ce ne sont pas tant les idées de l’extrême droite qui ont triomphé que son infrapolitique, faite d’un prétendu bon sens et de valeurs nationales accommodées au goût du jour.
Face à cette morale identitaire, les auteurs proposent de réinvestir une politique de l’égalité. Et de penser un « nous », alternatif à l’assignation au « chez nous ».
Michaël Foessel est philosophe, auteur notamment de Récidive. 1938 (PUF, 2019).
Étienne Ollion est sociologue, auteur notamment de Les Candidats. Novices et professionnels en politique (PUF, 2021).