Si démembrer et contrôler l'Allemagne constituent officiellement les piliers de la politique allemande de la France, esquissée à Alger en 1943 et poursuivie dès la fin de la seconde guerre mondiale, que de chemin parcouru en l'espace de dix ans ! Après l'échec relatif des projets français concernant le désarmement économique de l'Allemagne, entre 1945 et 1947, tant dans la zone d'occupation que dans les négociations avec les Alliés, certains dirigeants tentent d'imposer une nouvelle politique. Or, au même moment, grâce à l'aide américaine et à la réforme monétaire dans les trois zones occidentales de l'Allemagne, des rapports économiques normaux peuvent à nouveau s'établir entre les deux pays encourageant ainsi la reprise des contacts entre industriels et commerçants. En mai 1950, un nouvel élan est donné par le plan Schuman : les premiers pas vers la coopération franco-allemande sont faits et les échanges commerciaux connaissent un essor remarquable. Il faut toutefois attendre la fin de l'année 1955 et le règlement de l' « épineuse » question sarroise pour que les relations économiques bilatérales entre la France et la RFA se concrétisent enfin. Les années 1945-1955, période de reconstruction des économies française et allemande encore marquée par les problèmes de l'approvisionnement en charbon et du développement de la production d'acier, s'inscrivent en fait dans la tendance séculaire qui pousse ces deux économies l'une vers l'autre malgré les aléas de la politique, malgré deux guerres mondiales. « L'exceptionnel travail de Sylvie Lefèvre nous fait prendre conscience, comme jamais auparavant, de l'importance historique de cet enchaînement quasi miraculeux, qui substitua l'interpénétration des deux économies à leur affrontement, qui favorisa le rapprochement entre les deux pays et qui permit le lancement de la construction européenne. » Georges-Henri Soutou.