Aucune lecture n’est plus stimulante que les textes de Roland Barthes – dont il est étonnant, à les lire, de se dire qu’il est mort depuis déjà trente ans. Née de l’intolérance au « ce qui va de soi du langage », l'œuvre de Barthes déchiffre le monde comme un discours à mots couverts, décrypte le réel sans jamais céder à la facilité du procès d’intention, surmonte les apparences sans adopter la rhétorique du soupçon.
Quoi de plus intéressant, en ces temps de "mode philosophique", que Mythologies, qui s'attache à élever les objets les plus triviaux à la dignité d’un symptôme collectif ?
Quoi de plus insolent, à l'ère de l'egofiction triomphante, que les cours de Barthes au Collège de France sur le roman, et l'impossibilité de parler de soi ?
Quoi de plus dérangeant que le scepticisme de Barthes sur la question de la modernité, qui, comme le montre Antoine Compagnon, range paradoxalement l'ancien marxiste dans le camp des antimodernes ?
Quel discours est plus à contre-courant de l'éloge du métissage que L'Empire des signes de Barthes, qui s'impose, pour parler du Japon, de ne surtout pas comprendre le Japonais ?
Qui osera encore, enfin, comme le fait ce prince de la littérature, parler d'amour en partant du principe que celui qui aime ne peut pas être celui qui écrit ?
Avec Eric Marty (ancien élève et ami de Barthes à qui l’on doit Roland Barthes, le métier d’écrire et l’édition des œuvres de Barthes aux éditions du Seuil), Tiphaine Samoyault (écrivain et professeur de littérature comparée à Paris VIII), Marie-Jeanne Zenetti (doctorante à Paris VIII, spécialiste de la question du langage chez Barthes), Antoine Compagnon (ancien élève de Barthes, professeur au Collège de France), Meiko Takizawa (doctorante à Paris VII, spécialiste des textes de Barthes sur le Japon), Igor et Grichka Bogdanov (amis intimes de Barthes, témoins privilégiés de la fin de sa vie).