Quelques années avant sa mort, Louis Massignon m'avait demandé de venir lui parler de Jeanne d'Arc : il voulait savoir s'il existait un lien entre elle et Thérèse de Lisieux. Le sens spirituel affiné de mon interlocuteur et son pouvoir de sympathie lui faisaient pressentir, au-delà des faits historiques et de cet attrait qu'éprouvait Thérèse pour Jeanne, tout ce que pouvaient avoir en commun ces deux êtres surdoués. Mais, passé ce trop court moment d'évocations auxquelles se mêlaient, par instants la grande ombre de Charles de Foucauld, l'occasion ne m'avait plus été donnée d'aborder ces sujets, jusqu'au moment où Geneviève Baïlac vint me parler d'une première ébauche d'un Mystère qu'elle voulait écrire et monter : Jeanne et Thérèse. Après quoi s'ensuivit toute une chaîne de réalisations : Compiègne, Orléans, Paris où la représentation donnée au théâtre des Champs-Elysées le 7 mai 1983, fut plus qu'un succès, une sorte de triomphe, de ces soirées trop courtes où le public n'en finit plus d'évacuer une salle toute bruissante et s'épanche encore au-dehors, en conversations qui ne s'émiettent que lentement... Un seul écho négatif par la suite : il concerne le charbonnier : Cet éloge du charbonnier.... Un tel reproche, formulé d'un ton indigné, méritait qu'on s'y arrête. Le père Gaucher s'étant réservé le commentaire du rôle de Thérèse, celui de Jeanne seule m'a occupée ici, cette Jeanne en procès devant les siècles dans la question toujours neuve qu'elle pose du débat entre l'intellect et l'esprit.