Pendant trente ans, le Viêt Nam fut le foyer principal des luttes anti-colonialistes, le champ clos où s'affrontèrent par les armes le socialisme léniniste et le système colonial français, puis l'empire américain. Le 30 avril 1975, cette interminable guerre idéologique s'est achevée avec l'entrée à Saigon de l'armée révolutionnaire — fer de lance d'une résistance qui l'emportait parce qu'elle rassemblait les plus acharnés, les mieux organisés et surtout les plus viêtnamiens. Viêt Nam la mot !, le Viêt Nam est un. Ce slogan qui s'étale sur tous les murs, du Nord au Sud, exprime une vérité profonde. Mais si cette unité est, du point de vue historique, sociologique et culturel, évidente, il reste à la faire sur les plans politique, psychologique et moral. Qui a pu, comme les auteurs de ce livre, Simonne et Jean Lacouture — qui faisait son onzième séjour en trente ans — passer quelques semaines au Viêt Nam, en avril et mai 1976, sait que le plus difficile, pour les responsables de la patrie commune, reste à obtenir : l'adhésion d'une société vaincue — ou qui se perçoit dans sa majorité comme telle — à une autorité victorieuse. Les dirigeants révolutionnaires de Hanoi et des maquis ont su épargner à leur peuple, après trente ans d'une affreuse guerre civile, le bain de sang que prévoyaient leurs ennemis. Il leur reste à arracher ce peuple indomptable à la pénurie, et à bâtir, sous le signe du socialisme, un État organisant le rassemblement volontaire des énergies créatrices.