Avec l’éloignement historique, qui estompe les couleurs et érode les arêtes, la figure de Léon Blum appartient désormais au Panthéon de nos gloires politiques nationales. Son humanisme, son courage, ses qualités d’homme d’État sont tour à tour célébrées. L’image du « vieux sage » de Jouy-en-Josas, oracle de la IVe République naissante, tend même à colorer toute son action passée. Sa statue, reléguée pendant de longues années dans un jardin de Paris, est désormais installée solidement au cœur de la place qui porte son nom dans le 11e arrondissement. Mais ce consensus est fragile. Il doit, en effet, beaucoup au temps qui fait oublier qu’il a été un des hommes les plus calomniés de l’entre-deux-guerres, qu’il a manqué d’être lynché par les camelots du roi en février 1936, qu’il a été vilipendé par Vichy et traîné au procès de Riom. Il ne faut pas aller bien loin même aujourd’hui pour voir resurgir les controverses et s’exprimer les passions. Léon Blum est toujours un enjeu de mémoire.