Le Prince est un traité politique écrit au début du xvie siècle par Nicolas Machiavel, homme politique et écrivain florentin, qui montre comment devenir prince et le rester, analysant des exemples de l'histoire antique et de l'histoire italienne de l'époque. Parce que l'ouvrage ne donnait pas de conseils moraux au prince comme les traités classiques adressés à des rois, et qu'au contraire il conseillait dans certains cas des actions contraires aux bonnes mœurs, il a été souvent accusé d'immoralisme, donnant lieu à l'épithète « machiavélique ». Cependant, l'ouvrage a connu une grande postérité et a été loué et analysé par de nombreux penseurs.
La fonction de l'écriture du Prince, pour Machiavel, est discutée par la critique : alors qu'il était admis classiquement que l'ouvrage était issu d'une inspiration soudaine, pour rentrer dans la faveur de la monarchie, Claude Lefort le considère comme un travail de longue haleine, issu de l'expérience pratique de Machiavel et de sa lecture des historiens antiques. Il appuie ses propos sur la lettre à Vettori : « quant à mon ouvrage, s'ils [les Médicis] prenaient la peine de le lire, ils verraient que je n'ai employé ni à dormir ni à jouer les quinze années que j'ai consacrées à l'étude des affaires de l'État», sur les rapports diplomatiques de Machiavel, ébauches de la pensée globale du Prince, et sur la dédicace de l'ouvrage où Machiavel ne se fixe pas pour but de flatter le prince mais d'établir une pensée politique appuyée sur l'Histoire : « Vous ne trouverez dans cet ouvrage, ni un style brillant et pompeux, ni aucun de ces ornements dont les auteurs cherchent à embellir leurs écrits. Si cette œuvre vous est agréable, ce sera uniquement par la gravité et la matière du sujet. » De même, alors que la rédaction du Prince était considérée comme entrecoupant dans le temps celle des Discours sur la première décade de Tite-Live, Lefort, s'appuyant sur une étude de Hans Baron, considère le Prince antérieur aux Discours et notamment, la phrase du deuxième chapitre qui fait allusion à un ouvrage sur les républiques serait un ajout postérieur à la première rédaction du Prince. Ainsi, Claude Lefort donne à l'ouvrage le double statut de pensée profonde et de pensée première.