En 1947, l’éditeur suisse Mermod proposa à Colette de lui envoyer régulièrement un bouquet de fleurs à chaque fois différentes. Colette, en contrepartie, ferait le portrait de l’une ou l’autre de ces fleurs. Le résultat fut un petit recueil de 22 textes qui sont autant d’évocations de fleurs (le lys, la rose, l’anémone, le muguet, la jacinthe, le pavot, etc.) qui parut sous le titre de "Pour un herbier", dans la collection "Le Bouquet". Extrait: «À part le grand aconit, une scille, un lupin, une nigelle, la véronique petit-chêne, le lobélia, et le convolvulus qui triomphe de tous les bleus, le Créateur de toutes choses s’est montré un peu regardant quand il a distribué chez nous les fleurs bleues. On sait que je ne triche pas avec le bleu, mais je ne veux pas qu’il m’abuse. Le muscari n’est pas plus bleu que n’est bleue la prune de Monsieur... Le myosotis ? Il ne se gêne pas pour incliner, à mesure qu’il fleurit, vers le rose. L’iris ? Peuh... Son bleu ne se hausse guère qu’à un très joli mauve, et je ne parle pas de celui qu’on nomme «flamme», dont le violet liturgique et le profane parfum envahissent au printemps les montagnettes, autour de La Garde-Freinet. L’iris des jardins s’habitue docilement à tous les sols, se baigne les pieds dans les petits canaux de Bagatelle, se mêle à ses cousins les tigridias, embrasés et éphémères. Il a six pétales, trois langues nettes, étroites, et trois larges un peu chargées de jaune – le foie, sans doute – et il passe pour bleu, grâce à l’unanimité d’une foule de personnes qui n’entendent rien à la couleur bleue.» — Colette