L'action de Voltaire s'étendit sur un certain nombre de têtes plus ou moins élevées. Quelques-unes portaient des couronnes, et le philosophe a pu écrire avec vérité: j'ai brelan de rois quatrième; d'autres furent placées à la direction de l'État dans diverses contrées de l'Europe, d'autres enfin furent célèbres dans les arts, les sciences ou l'industrie.
Voltaire dut cette influence générale et considérable à plusieurs causes. Les premières furent incontestablement son génie facile et brillant, son inconcevable activité et la radieuse expansion de son cœur. Mais il en est de secondaires dont on doit tenir compte. Voltaire a toujours vécu dans la haute société et, à la fin de sa carrière, sa vie ressembla par le dehors à l'existence d'un grand seigneur très répandu dans le monde. Il était d'une politesse exquise et entretenait soigneusement toutes ses relations. Ses succès au théâtre, ses publications incessantes, ses voyages en Angleterre, en Hollande et en Allemagne, sa renommée universelle, les poésies légères qui s'échappaient de sa main prodigue de louanges délicates, les persécutions et les attaques passionnées dont il fut l'objet, tout contribua à le rendre l'homme le plus vivant et le plus intéressant du XVIIIe siècle. Il attira et força l'attention, si bien qu'il fut de bon ton de connaître Voltaire ou tout au moins de l'avoir lu. Quelqu'un qui n'aurait pu en parler, en bien ou en mal, eût passé pour un homme de mauvaise compagnie ou d'esprit inculte.