Dans l’Occident médiéval, à partir du XIIe siècle, la question des biens mal acquis rencontre celle de la restitution, cet acte par lequel le bon chrétien s’engage à rendre les richesses acquises illicitement pour être en accord avec l’enseignement de l’Église et avec sa conscience. Les male ablata ont souvent pour origine - mais non exclusivement - des relations de crédit abusives, usuraires, que la restitution permet précisément de réparer en indemnisant, directement ou indirectement, les débiteurs lésés. Du XIIe au XVe siècle, des sources variées documentent ce mouvement de restitutio male ablatorum, depuis les dispositions pontificales, les questions théologiques et les commentaires des canonistes jusqu’aux testaments et donations inter vivos, en passant par des promesses de restitution ou des actes judiciaires. Pour interroger cette documentation, il importe avant tout de se dégager d’un a priori historiographique très répandu qui en réduit la portée à une simple moralisation hypocrite, pour satisfaire l’Église, des pratiques économiques des marchands médiévaux. Les textes réunis dans ce volume s’appuient sur des dossiers documentaires inédits et apportent une première réponse aux questions historiques posées par la restitution des biens mal acquis : quels en furent les acteurs, les bénéficiaires et les intermédiaires, quelles en furent les modalités, la chronologie et la place dans les sociétés médiévales ?