La solitude est un des paradoxes majeurs de notre monde d’hyper-communication : elle fait peur, au point d’être déclarée « grande cause nationale » en France en 2011, et en même temps elle fascine, comme en témoigne la recherche d’exploits solitaires et d’isolement, de retraites volontaires hors d’un monde surpeuplé. On la fuit et on la désire à la fois. Cette ambivalence prend aujourd’hui une dimension nouvelle : l’opposition entre grégarité et individualisme, convivialité et isolement, est accrue par le rôle des nouvelles technologies de communication et des réseaux sociaux. Mais ce phénomène n’est que l’aboutissement d’une longue histoire qui débute dans l’Antiquité, où les intellectuels avaient déjà posé les termes de l’alternative : l’homme animal social et l’amoureux des charmes bucoliques. « Il n’est pas bon que l’homme soit seul », dit la Bible, et pourtant le judéo-christianisme exalte la vie solitaire des ermites et des moines ; à l’époque classique, les « solitaires » de Port-Royal et les « promeneurs » rousseauistes s’opposent aux « honnêtes hommes » des salons ; au XIXe siècle, les romantiques exaltent le solitude et fuient les villes ; les « solos » du XXIe siècle vantent les avantages de leur indépendance, tandis que la solitude des plus âgés est perçue comme un fléau. Solitude physique et psychologique, solitude subie et volontaire, elle est simultanément refuge et malédiction. C’est l’histoire de ce grand paradoxe de la condition humaine que retrace ce livre.